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Pénélope Gaillard

Forêt noire

Encre une forêt noire

Prend un format raisin et encre une forêt noire

Gratte la feuille avec un stylo bic noir

Jusqu’à ce que la forêt remplisse toute la feuille

Fais des arbres morts, calcinés, percés de trous béants

Griffonne la feuille au point d'avoir mal à la main, à en avoir les yeux secs et le dos douloureux à force d’être assis dans la même position

Je veux que tu rentres dans ma forêt et pour ça, quand le soleil se couche, gratte au stylo noir une feuille blanche

Dessine ces racines et ces troncs pourris

Rentre dans un automatisme, un geste mécanique et laisse ton esprit divaguer pendant que tu gratte au stylo la feuille, laisse ta respiration se réguler, laisse-toi rentrer dans ma forêt noire

Accorde-toi des pauses quand la douleur à la main devient insupportable

Utilise un papier pour mettre sous ta main qui dessine, pour empêcher l'encre de la forêt de déteindre

Ma forêt est imprévisible, complexe et elle va-t’en faire baver

Tu seras sans doute épuisé, vidé à la fin

Parce que tu auras tracé les arbres et leurs racines au moyen de gestes répétitifs et rapides

Des traits longs puis des traits courts

Des espaces vides et du noir intense, ne lève que très peu ton stylo de la feuille

Encre une forêt noire, qui te regarde

Peut-être à la fin verras-tu les yeux cachés de ma forêt

Tu verras aussi la végétation dans la pourriture, dans les cendres

Cette forêt est paradoxale, lunatique parce que c'est la mienne

Je te propose un aperçu de mon « monde intérieur » vois-tu, je t'invite à y rentrer, à comprendre qu'elle m’empêche de dormir

Comment ne pas rester éveillée quand on brûle de l’intérieur ? Elle m'est douce, intime, rassurante ma forêt mais jamais elle ne dort